Deux grands entrepreneurs prennent une décision majeure : bosser ensemble. Deux états décident de se faire confiance et d'échanger leur savoir-faire. Dans ces deux cas, que font-ils ensuite ? Ils demandent à leurs avocats, opérationnels et juristes de finaliser le contrat et les conditions de fonctionnement. Au risque peut-être de ne pas aboutir, mais ce risque se gère.
Et nous que faisons-nous dans le domaine des contrats de services IT, après l'appel d'offre ?
Ben nous, on commence à bosser direct !
Les conditions réelles de la première phase, la transition, ont a peine été survolées, et on bosse direct. Les TJM ont bien été négociés par les achats, même très (trop ?) bien, ainsi que les unités d'œuvre mais les conditions d'application dans les forfaits ont juste été évoquées, et on bosse direct. Le contrat, celui qui doit accompagner la relation pendant 3, 4 ou 5 ans, celui qui doit servir de référence, celui qui doit être interprétable par n'importe quelle juridiction en cas de litige, ne fait l'objet d'aucune ligne dans le plan d'activité, il est tout juste dans l'épaisseur des lignes, en on commence à bosser direct.
Alors que, finalement, quand on sort de la phase d'appel d'offre on a juste décidé qu'on voulait travailler ensemble et qu'on croit en notre partenariat. On a négocié quelques éléments majeurs et structurants, et souvent on pense qu'il n'y a plus qu'à tout jeter sur un papier. Fut un temps où l'appel d'offre et la réponse suffisaient à faire le contrat.
Mais les vraies négociations démarrent là. Les vraies dans le sens où comment va-t-on travailler ensemble pour que les accords majeurs pris dans l'appel d'offre soient viables et prennent corps. Certes, ça change, sous l'impulsion des juristes des clients, voire même de certaines directions achats, ou encore de grands groupes de services anglosaxons habitués à ces procédures contractuelles. Mais il y a encore du boulot.
Ceux qui n'ont pas été confrontés à un détricotage en règle d'un contrat, à une sortie complexe, voire conflictuelle, à des négociations entre avocats, à l'utilisation d'huissiers, ne peuvent pas comprendre le temps, le soin et l'expertise qu'il convient d'appliquer à cette phase.
Dans cette note, je mets bien entendu de côté ceux qui considèrent qu'entre la fin de l'appel d'offre et le début du service régulier, tout est gratuit. On parlera plus tard de la gouvernance et des comités de pilotage où le dernier devis de 2,48 jours prend plus d'énergie et de temps qu'une extension de périmètre.
Le contrat est un ensemble complexe dans le sens où il doit être totalement cohérent et ne laisser place à aucune interprétation. Les annexes doivent être cohérentes entre elles. Et elles peuvent être nombreuses.
Comment démarrer avec un contrat solide alors que le Plan d'Assurance Qualité n'est pas encore écrit ou ne ressemble à rien, que la convention des services n'est pas alignée sur les enjeux réels de la DSI ou sur les processus à déployer, que les principes d'infrastructure n'ont pas été vus dans le détail.
Cette phase prend du temps et demande de la négociation.
La phase de transition doit couvrir cette phase de contractualisation. Cela signifie qu'elle doit être négociée avant et portée par un autre élément juridique. A moins bien entendu de se laisser du temps entre la fin de l'appel d'offre et le démarrage de la transition. Mais tous les clients n'ont pas ce temps.
Comment peut-on faire alors ?
- N'hésitez pas à intégrer dans l'appel d'offre les clauses contractuelles fondamentales en demandant aux candidats de prendre position sur chacune d'entre elles. Cela permet d'éviter des négociations sur des sujets de fonds.
- Un modèle très intéressant est de signer une lettre d'intention (LOI) à la fin de l'appel d'offre. Cette lettre, contractuelle, peut couvrir les conditions techniques et financières d'éxecution de la transition et indiquer que les parties vont rédiger le contrat de la phase de Service Régulier. On peut même y associer des pénalités réciproques en cas de non aboutissement du contrat.
- Enfin, ne pas hésiter à faire intervenir des juristes, avocats ou encore les achats pour accompagner la rédaction du contrat.
Le contrat et notamment la rédaction des annexes majeures (Catalogue des services, Périmètre d'intervention, Plan d'Assurance Qualité, Conventions de services, annexe financière, Infrastructure et sécurité) ont une vertue primordiale : Obliger les opérationnels des deux parties à se pencher sur l'essentiel : "comment va-t-on bosser ensemble dans une relation gagnant-gagnant".